Ici, ne sont que des maux, des doutes aussi...
Les jolies choses, les éclats de rire, les joies, je les garde précieusement, égoïstement, au fond de moi, comme un trésor que l'on préserve du temps....
Ici ? Un simple exutoire... Des bouts de vies, des bouts d'envies, des cris d'écrits, des peines... Au fil de mes jours... Au fil de mes émotions...
A toi qui liras ces lignes, j'ai juste besoin de hurler parfois... Mais je vais bien ne t'en fais pas...

IsabelleC.

dimanche 20 août 2006

Lettre à...

Je viens de finaliser mes mots
de mettre un point final au manuscrit que j'écris depuis dimanche
non, pas assez long pour parler de manuscrit
un essai
quelle justesse du terme !
un essai 
un essai d'écriture
mais surtout un essai de vie 
un essai d'amour
un essai de moi
et je me sens si étrange
j'ai tout sorti de moi
je n'ai plus rien à l'intérieur
je suis vide, vidée
je suis soulagée aussi, un immense soulagement
un bonheur, une grande fierté d'avoir réussi
fière de l'avoir fait !
mais en même temps, comme anéantie
quel exercice difficile !
avant, le temps de vivre toute cette histoire qui est la mienne
pendant, la force de revivre les maux
pendant, trouver les mots justes
pendant, comme accoucher de tout ce qui est Moi
il ne me reste, en moi, que du vent
j'ai froid
un grand courant d'air glacé dans ce vide qui m'envahit
ce vide que je ne connais pas
ce vide qui me terrifie
j'ai très envie de pleurer et m'endormir
je voudrais pleurer et m'endormir
je n'y arrive pas

Toi,
j'ai besoin de pleurer et m'endormir dans tes bras
non pas l'éventuel amant
mais l'homme blessé, meurtri
l'homme blessé que j'ai écouté
l'homme blessé à qui j'ai donné mon énergie, mon temps
le plus volontiers du monde
la douceur de ma voix, de mes paroles
le plus tendrement possible
l'homme blessé à qui j'ai donné un peu de moi
beaucoup de moi, même
beaucoup de moi-même
le plus sincèrement que je pouvais
dans mes silences
dans chacun de mes silences
l'homme blessé, qui par ses souffrances peut peut-être comprendre les miennes
qui pourrait comprendre le silence dont j'ai besoin pour accompagner mes larmes
un silence emplit de douceur
un silence assourdissant
un silence criant de tendresse
pas d'amour ambigu empli de désir ou je ne sais quoi,
quoi que pourquoi pas après tout
mais d'abord et surtout de la tendresse, de l'affection, de la douceur, une protection
tu es tellment embourbé dans la difficulté de ta propre vie
que comme énormément de gens dans un tel schéma
tu ne peux que demander à ce qu'on te prenne un peu de tes poids
mais tu ne prendras pas un peu des poids de quelqu'un d'autre
égoïsme, protection... on peut tout imaginer
mais je ne veux pas te juger
parce que je n'ai pas toujours été à l'écoute moi non plus
ne pas avoir cet échange aujourd'hui me rend triste
et je t'ai tellement innondé de mots depuis quelques jours que je n'ose plus t'appeler
je ne t'ai pas laissé le temps de respirer
je t'ai étouffé sous mes phrases qui pourtant se voulaient rassurantes et encourageantes
encourageantes à venir vers moi comme tu l'entendras, à ta vitesse, quand tu voudras
mais comme tu l'entendras pour Toi, quand Tu es en demande !
pas pour Moi, quand j'ai besoin Moi de Toi !
j'ai besoin de Toi maintenant ! tout de suite ! là !
c'est si déroutant ce que je viens de faire !
tout ce que je viens d'arracher de moi !
j'ai été étouffante, j'en suis bien consciente
je m'en veux, mais j'ai pas géré
tout sortait si vite, je n'arrivais pas à stopper les mots
ils s'échappaient de moi, trop vite
trop
trop de mots
trop de tout ce qui fait peur
trop d'un coup
comment te dire ?
et comment te le dire ?
en te renvoyant encore un mail avec ces quelques lignes que je viens d'écrire ?
ben voyons !
et si tu le lis, j'aurai une sacrée chance !
non, attendre si j'y arrive
attendre que tu rappelles quand tu seras disponible,
que tu voudras donner un peu de toi quand tu auras envie de me donner un peu de tout ça
attendre... toujours attendre...
toi, je t'attends...

J'ai une impression étrange
comme si j'étais en pleine grippe avec 40° de fièvre
pourtant je n'ai pas de fièvre et mes jambes flagellent
et mes mains tremblent
et j'ai surtout froid
et l'impression qu'on m'a arraché la peau
j'ai mal 
mal au corps, mal au cœur, mal à l'âme, mal à la solitude
et en même temps, la sensation que je ne pourrai supporter personne à mes côtés
j'ai l'impression d'avoir encore fait un effort énorme
comme le ver qui creuse la terre pour se frayer un chemin
est-ce ça qu'on appelle le mal de l'écrivain ?
ce mal que Philippe Djian décrit dans ses romans
j'ai avancé depuis trois jours
je ne sais pas de combien mais j'ai avancé
c'est épuisant
c'est éreintant, harassant, exténuant
c'est éprouvant, trop éprouvant
ça fait mal
je sais que c'est ce qu'il faut, mais je n'arrive pas à m'en réjouir
je n'arrive pas à me dire que c'est bien ce que j'ai fait
tout ce que j'ai sorti de moi
comme si je préférais avant
comme si je me sentais perdue sans tous ces mots, sans tous ces maux
sans toutes ces phrases à l'interieur de moi entrain de me ronger

Toi
j'ai envie que tu t'occupes de moi, un peu
quelques heures, un jour, ou deux jours, une nuit ou deux
comme quand, enfant, j'étais malade et qu'on s'occupait de moi
j'ai envie que tu me cajoles
que tu restes à côté de moi
que tu me serres dans tes bras
que tu me fasses l'amour de la plus belle des façons jusqu'à ce que je trouve le sommeil
et que tu me protèges
de quoi ? de rien, de tout
c'est puéril peut-être, enfantin pourquoi pas
mais c'est ce dont j'ai envie
non, pas envie
besoin oui, besoin
besoin pour me sentir de nouveau vivante
serre-moi très fort, très très fort...
mais tu n'es pas là
alors j'écris
je t'écris
je t'écris tout ce que j'ai envie de te dire
tout ce qui me passe par la tête sans faire attention à ce que tu pourrais en penser
inutile, puisque tu ne liras pas
et comme ça, j'ai l'impression que tu es là
aujourd'hui, c'est moi qui ai besoin
remarque, si tu attends un peu, ça va me passer
ça me passe toujours
ça passe toujours tout seul, toute seule

Je sais comment décrire ce vide que je ressens
ce vide d'avoir tout écrit, toute mon histoire
j'ai l'impression qu'une partie de moi-même m'a été arrachée
arrachée par moi-même
un peu comme quand on est quitté par un Amour qu'on croyait près de nous pour toujours
et qu'on se rend compte qu'il s'en va par notre faute
cette sensation de s'amputer d'un bout de soi
cette sensation de perdre un bout de soi
un bout de son coeur
un bout de son âme
un bout de sa vie
presque toute sa vie
et il faut trouver le courage de continuer
et de se construire un nouveau coeur
c'est ça, que je ressens, d'avoir posé tous mes chagrins
un gigantesque chagrin d'amour
un gigantesque chagrin de vivre
et un gigantesque espoir de Vie !

Toi,
je voulais te dire Merci
car si j'ai pu rédiger toutes ces pages
c'est un peu grâce à toi à toi, à tes douleurs
et à tes écrits
"Ecrire, m'écrire, t'écrire, quelle est la différence ?"
merci à Toi
maintenant, il me faut me construire une nouvelle vie
je la veux belle cette nouvelle vie
une très belle vie ! OUI !!!

IsabelleC.
le 23 août 2006

Moi, Isabelle C.

31 ans, écorchée mais toujours là…

Bonjour,
Je me présente, Isabelle
Je suis née il y a maintenant 31 ans à la Croix-Rousse
D’un père quasi absent et une mère dépressive
Tellement dépressive qu’ils m’ont forcée à arriver dans votre monde plus tôt que prévu
Après deux frères, Stéphane et Joël, de 7 et 4 ans mes aînés
Et surtout deux demandes de divorce échouées, je ne sais pour quelles raisons…
Moi peut-être, mon arrivée intempestive…
Donc je suis un accident, ou un « bébé-scotch » comme j’aime à dire
J’ai failli à ma première mission : rabibocher deux êtres qui ne se sont jamais peut-être aimés suffisamment
Je ne peux pas dire que maman et papa s’aimaient, je ne le crois pas
Je n’ai aucun souvenir
Aucun souvenir d’eux ensemble
Ah, si ! une fessée lorsque j’avais 3 ou 4 ans
Sinon, toutes les images qui me reviennent sont soit avec l’un, soit avec l’autre, jamais les deux ensemble

Ils divorcent alors que j’ai 6 ans
Papa s’en va, ce qui dans ma vie d’enfant ne change presque rien, enfin je ne m’en rappelle pas
Puisque papa était déjà absent toute la semaine pour partir travailler
Quand il n’était pas au fin fond de l’Afrique pour des semaines
Par contre nous passions bien un week-end sur deux et la moitié des vacances scolaires avec lui
Il y mettait un point d’honneur
Surtout à nous poser devant la télé durant deux jours entiers, même si j’ai quelques très bons souvenirs (Denise et André, je pense à vous parfois)
Remarquez, maman faisait bien pareil de son côté…
Ils savaient aussi bien nous prendre à partie dans quelques unes de leurs grandes disputes
Et puis l’année de mes 13 ans, tout a basculé pour lui
Une longue maladie, une sciatique qu’il n’a pas voulu opérer
Ce qui a entraîné forcément un licenciement
Et Josette, avec qui il avait refait sa vie, avait-il attendu de la croiser pour partir de la maison ?
Pourquoi les hommes sont-ils incapables de partir, seuls, pour eux-même ?
Bien qu’ils vous diront tous « je l’avais déjà rencontrée mais je t’assure que je serais quand même parti, même sans elle »
Foutaises ! vous nous dites tous ça !
Mais combien êtes-vous à n’être parti pour personne ?
Levez le doigt !
Je n’en connais qu’un, peut-être deux, et Dieu sait que j’en ai croisé des spécimens de votre espère, messieurs, et bien plus d’un
Et cette phrase de Josette « je ne voulais qu’un enfant, je me retrouve avec quatre, tu parles d’un cadeau ! »
Humour ou pas, je ne sais pas
Je sais simplement que ça m’a déjà trop froissée quelque part au fond de l’enfant que j’étais
Je me suis sentie en trop, comme un surplus qu’on prend puisqu’il est là, mais qui gêne
Et Benjamin son fils de deux mois plus jeune que moi
Quelle douleur le jour où je l’ai entendu dire « papa » à MON papa, pas le sien ! j’avais à peine 8 ans
Josette qui est partie avec tout le fric ou le peu qu’il restait lorsque papa est tombé
Et de là, la déchéance, la descente aux enfers pour lui
Il a bien essayé de tenir le coup lorsque Joël est parti vivre avec lui, l’année de sa troisième au collège
Mais qui s’occupait de l’autre ?
Je crois que les rôles étaient inversés
Le fils s’occupait du père
Et puis Joël est revenu, un peu contraint par la situation je crois, je ne suis pas certaine mais il me semble
Et petit à petit, papa a disparu de nos vies, par fierté ou par lâcheté, je ne sais pas
Je préfère me dire que c’était par fierté, ça me fait moins mal
Il a bien réapparu quelques fois, par l’intermédiaire de Annie et Jean-Jacques
Mais dans quel état pitoyable le pauvre homme
Annie et Jean-Jacques, Mon oncle et Ma tante !
Toujours présents, à leur façon, comme ils savaient, comme ils pouvaient (et encore toujours maintenant pour moi ; merci à vous deux d’être là et d’être Qui vous êtes, je vous aime)
Mais toujours là pour nous trois, Stéphane, Joël et moi
C’est toujours eux qui croisaient papa au détour d’une allée de la Part-Dieu
Ou au hasard d’un coin de rue
Toujours eux
Le hasard ?
Papa, ce jour où je l’ai croisé dans ce centre commercial immense
Ah qu’il peut être brutal ce hasard parfois…
Ses cheveux étaient trop longs, ses chaussures trop trouées, ses vêtements trop grands, il n’avait plus ses lunettes
Je n’ai pas pu aller vers lui
Je n’ai pas pu
C’était trop dur, insurmontable
Comment moi, sa fille, encore adolescente, pouvais-je lui montrer que je ne manquais de rien ou presque ?
Alors que lui ne devait sans doutes pas manger à sa faim ?
De quel droit pouvais-je lui infliger ça ?
Et quelle peur !
Il me faisait peur !
Il m’effrayait !
Je ne voulais pas, je ne pouvais pas admettre que cet homme était mon papa, et puis il nous avait abandonnés, et puis et puis…
Tout se mélangeait dans mon esprit
Non, je n’ai pas pu

Et maman
Elle partait aussi travailler des jours, la semaine entière
A Paris, à Marseille
Des métiers non conventionnels, toujours
Son centre d’amaigrissement
Un moment : à Europe1 en collaboration avec Philippe Gildas, Maryse, ou Christian Morin, sans parler de ses livres
D’autres : le kaléidoscope alimentaire, ou missionnée par la préfecture de Lyon en collaboration avec Azouz Begag
Sans oublier la restauration collective, les cosmétiques
TéléLyonMétropole aussi, période bénéfique pour moi lorsque je profitais des invitations théâtrales de Frédéric Lopez à ses débuts
Action contre la Faim et le Sénégal, Frères des Hommes, Terres des Hommes, Peuples Solidaires…
Et toutes les crises d’angoisses de maman, à ne plus pouvoir prendre le périphérique en voiture, ses Urbanyl diminués ¼ par ¼, ses dimanches allongés sur le canapé par l’épuisement et la dépression, durant tant d’années
Beaucoup de monde à la maison à cette époque
Philippe Collignon, tu es à France Télévision maintenant, je suis contente pour toi
J’ai encore le CD des Innocents que tu m’as offert pour l’un de mes anniversaires, mes 19 ans je crois
Je me rappelle de cette journée…
Merci Philippe d’avoir été là, avec ta sensibilité, avec tes runes aussi
Tellement de personnages différents et extraordinaires, Théo, Suzanne, Patrice et Carole, sans parler de tous ces gens eux aussi hors norme, Jean-Claude qui voyait les auras, Josy et Monique et leurs écritures automatiques et leurs voyances, ce jour où je suis rentrée du collège et que j’ai trouvé maman me disant « ne t’inquiète pas ma chérie, je suis en train d’exorciser Carole », et tous ces tirages de tarots, de yi-king et autres presciences divinatoires, combien y en a-t-il eu dans le salon, dans la cuisine… Alors ok c’est comme ça. Mais pourquoi j’ai pas eu une famille comme les autres avec des gens normaux ? Qui vont au boulot et qui rentrent le soir et qui râlent après leurs gosses et tout ce qui va avec ? Vous êtes tous hors normes, c’est Votre choix, mais Moi je veux entrer dans la norme ! J’ai rien demandé à personne, encore moins à vous tous ! Votre monde j’en veux pas ! non j’en veux pas !!!!

Qu’il était difficile pour moi de remplir les petites fiches aux professeurs au début de chaque année de collège
Profession des parents : père « ? » et mère « hors normes » ça ne va pas, alors trouver autre chose, « consultante en communication » oui c’est bien, ça, encore bizarre et singulier à l’aube des années 90, mais ça sonne pas mal en fait, ça rattrape le père défaillant, oui, je garde
Voilà, débrouillez-vous avec ça et ne me posez pas de question !
« Melle C. ! pour votre père, un point d’interrogation, il ne sait rien faire ? il a disparu ? et le métier de votre mère, consultante en communication, ça veut dire quoi ça ?
- euh, je ne sais pas trop madame
- et bien si vous ne savez même pas ce que font vos parents… faudrait peut-être vous y intéresser et penser à communiquer dans votre famille ! »
J’étais en 5ème, à peine 13 ans
Merci à cette prof d’éducation manuelle et technique
Du fond de ma haine merci
Et plein cours, devant toute la classe
A qui je m’efforçais de ne pas parler de mes parents, pour éviter les questions et les regards gênants (soit bête curieuse, soit pitié, soit condescendance et j’en passe)
Je ne sais plus son nom à cette prof
Je me rappelle de son air pincé, son visage fermé, aigri, méchant presque
Mais le sentiment de honte, lui, je ne l’ai jamais oublié
Curieux comme la mémoire peut être sélective…
Et cette sensation d’être trop différente
Alors oui, certains n’avaient plus leur père à la maison eux aussi
Mais c’était différent, ils savaient où il était et ce qu’il faisait
Ou il était décédé, mais ils savaient
Moi je ne savais pas, je ne savais rien, que son déclin
Quelques bouffées d’oxygène chez Séverine
Des vacances chez ses grands-parents si gentils, à côté d’Alès, dans ce si joli petit village, un grand mas provençal à flanc de colline
Merci à vous tous, Séverine, Anne-Marie, Francis, Laurent, Sébastien, Jean et Danielle
Je découvrirais ce qu’était une vraie famille, avec ses douleurs, Denis parti trop tôt, mais tant d’amour, tellement d’amour !

A 16 ans, mon premier amoureux, Daniel
Neuf ans de plus que moi
J’étais déjà en quête d’un bout de père que je n’avais plus
Mais je n’en avais pas encore conscience
Et je commençais à plaire aux garçons, enfin
Ça, maman ne l’a pas accepté, avec sa solitude de femme, ses kilos en trop, et ses sentiments incessants de dévalorisation
Exemple : pourquoi toutes mes copines allaient acheter leur premier soutien-gorge avec leur mère ?
Et bien moi, malgré cette corbeille de fleurs pour le premier jour de mes premières règles, non, pas la peine, ou « ma fille débrouille toi avec mes vieux à moi »
Ok, des périodes de vache maigre, peu de fric à la maison, les restos du cœur nous ont sans doutes rempli le frigo quelques fois
Mais c’est important pour une jeune fille de commencer à devenir une femme, doucement
Et pas de se faire traiter de pute par sa mère lorsque celle-ci apprend que sa fille a vécu sa « première fois »
Elle a sali ce moment
Ok, j’étais instable, irascible, colérique, j’oubliais de rentrer parfois, oui je le reconnais
Mais je fuyais toute cette marginalité que je n’avais pas choisie, tout cet ésotérisme insupportable qui baignait notre foyer
C’était trop difficile pour moi de ne pas être comme les autres
Et mes frères qui avaient eux aussi fui, pour l’un l’armée, pour l’autre le pensionnat
Ils ne se rendaient pas compte de ce que je vivais au quotidien
J’étais seule face à tout ça
Je ne pouvais me retourner vers personne, personne ne pouvait comprendre comme il m’était difficile de trouver mes marques dans ce monde que je ne voulais pas le mien, qui m’était imposé avec violence parfois
Même si maintenant je n’en garde que l’utile et cela fait une partie de ma richesse
Mais que c’était difficile de trouver ma place dans ce monde que je voulais pas, auquel on n’avait pas le droit de me contraindre, durant toutes ces années !
Et c’était moi la folle, la malade qu’il fallait soigner !
Vite un psy ! de toute urgence !
« Il faut te faire soigner ma fille »
Mais merde ! je ne voulais rien d’autre qu’une vie normale, avec des gens normaux autour de moi
Normalité, rien que de la normalité, un monde de normalité ! s’il vous plaît !
Durant toute cette période, à 16 ans, peu après Daniel (qui est parti sous les menaces de ma mère de porter plainte pour détournement de mineur), maman m’a mise une première fois à la porte avec mon sac, à but éducatif claironnait-elle à qui voulait l’entendre !
Je n’avais que 16 ans…
Je suis partie trois semaines
Une semaine chez une amie de l’époque, et les deux autres semaines en baby-sitting à temps plus que complet, je revois encore Enki à peine 6 ans, qui commençait à reconnaître les chiffres et voulait téléphoner à ses parents à leur restaurant en plein service, et leur dire qu’il avait composé le numéro tout seul, et Lucien avec ses couches et ses petits caleçons, sa sucette dans la bouche et le doudou qui traînait plus souvent le sol que sa jolie frimousse
Je ne sais qui a raisonné maman, et j’ai pu retourner vivre dans l’appartement familial, si tant est que nous puissions parler d’un environnement familial…
Scolarité difficile, forcément
Et forcément aussi, je criais haut et fort que je voulais partir de la maison dès que j’aurais atteint ma majorité
Je ne rentrais pas de plusieurs jours aussi parfois

Et le matin de mes 18 ans, à 8 heures, maman est entrée dans ma chambre, en me disant « ma fille, tu as une semaine pour faire tes valises, bon anniversaire ma chérie » en me tendant le livre « la petite voix » un livre de pensées quotidiennes un peu philosophiques, en peu spirituelles, et puis « surtout ne me remercie pas pour le cadeau… »
Bon, alors dans ces cas-là, on ne réfléchit pas, on ne dit pas merci pour le livre, non
On n’a pas le temps de se dire qu’on a mal
On agit, on cherche une solution pour ne pas dormir dans la rue
Et ne surtout rien demander à la famille, par honte, par peur du jugement, on se dit qu’ils ne comprendraient pas de toute façon
Alors un squat puis un autre
Le service de midi dans une crêperie, en échange du repas et des pourboires
Qui eux permettent de prévoir le maigre repas du soir
J’ai faim certaines nuits, ça m’en réveille
Et j’ai peur, j’ai surtout très peur
Peur de la nuit
Peur du lendemain
Peur de l’avenir
Peur de la semaine prochaine
Peur de la rue et ses méandres, j’en suis si près… trop près… trop prête aussi… j’ai presque failli…
Comment vais-je faire ?
Au secours ! aidez-moi !
Heureusement, Annie et Jean-Jacques sont là
Maladroitement parfois, mais ils sont là, avec leur cœur, sans prendre partie ni pour l’une ni pour l’autre
Simplement m’aider
Et aussi nous aider maman et moi à nous rapprocher
Quel été j’ai passé…
Je ne me rappelle même plus s’il faisait chaud ou pas trop

En septembre, je profite de quelques jours durant lesquels mes deux frères sont présents chez maman pour essayer d’y retourner
Maman donne son accord pour une ou deux nuits
Et à force de bonne volonté et d’écraser mes poings au plus profond de ma poche, je réussis à rester
Je découvre le monde de la radio associative, Radio Espace, je m’investis corps et âme
Quasi bénévolement, un contrat emploi solidarité pendant lequel je ne suis même pas payée les quatre premiers mois
Mais j’ai la chance d’avoir ce job grâce à Jacques Dorland, qui de surcroît connaît maman professionnellement parlant
Jacques, merci
Une année pleine de partages, d’apprentissages, d’enrichissements
Et Fred, par toi, je voulais juste entrer dans la famille de ton père, Jacques, pour me l’approprier un petit peu, ton papa
Je t’ai fait mal, je ne m’en suis rendue compte qu’après
Mais toi aussi tu m’as fait souffrir, une fille dans chaque port…
Et certaines paroles difficiles de ton père, Jacques
Il était d’ailleurs là à mon mariage, déguisé en tonton des colonies, qu’il nous a fait rire !

Durant cette année, je rencontre Pascal, (15ans de plus que moi…) qui deviendra deux ans plus tard mon mari
Et le jour de mes 20 ans, maman recommence : une semaine pour faire mes valises, puisque j’ai une belle-famille que j’aime tant, je n’ai qu’à y aller !
Pascal n’a pas de travail, nous nous accrochons l’un à l’autre, deux âmes perdues qui s’appuient l’une à l’autre pour essayer de sortir de leur marasme
Je m’installe quelques temps chez Cathy le temps que Pascal et moi trouvions un travail et un appartement
Cathy
Une grande sœur
Elle quittera Jacques pendant que j’y serai, ce sera très difficile, elle souffrira tellement
Et puis un travail inespéré pour Pascal
Un appartement
Une vraie vie de couple qui commence
Mais j’aurai juste une question : comment on fait une vie de couple ?
Je n’en ai jamais vue au quotidien, je ne sais pas comment c’est
Alors je déciderai de ne rien dire, de me taire, oui Pascal tu auras raison
Toi tu as déjà vécu à deux, toi tu sais, alors je te fais confiance
Et tu m’éloigneras de tous mes amis, insidieusement, perfidement
Même si tu ne m’empêcheras jamais de les voir, mais tu ne me parlera pas pendant une semaine à chaque fois que je passerai une soirée avec eux
Une fois, deux fois…
Alors je choisis mon couple plutôt que ma vie sociale
Dis ans après, je me rends bien compte de mon erreur
Nous nous marions
En juillet pour la mairie, tellement précipitamment pour les impôts
C’est Jean-Jacques qui me mènera devant monsieur le maire
Maman insiste pour venir, malgré les tensions et les colères
J’accepte difficilement
Et du coup Annie et Jean-Jacques ne restent pas au buffet, même si c’était totalement imprévu au départ, que Jean-Jacques venait de perdre sa tante et qu’ils étaient attendus dans sa famille

Puis j’apprends les révélations de maman
Qu’elle avait faites un moins plus tôt à sa mère, ses frère et sœurs
J’apprendrai plus tard que si maman n’avait pas été là, Annie et Jean-Jacques auraient pris le temps de rester un moment à mon mariage
Maman m’a menti
Par omission ou protection (protection de quoi ? de la vérité ? quelle vérité ? la sienne ? la leur ?)
Peut-être mais elle m’a menti
Et je ne pardonne pas, c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase
Je coupe tous les ponts et je ferme toutes les portes
Elle a mal ?
Tant pis
Fallait y penser avant !
Moi aussi j’ai eu mal à cause d’elle, si longtemps, si souvent encore
Chacune son tour !
Je retrouve Stéphane
Lui qui était l’élu de maman, ses mots à elle qui n’étaient que parole d’évangile pour lui
Enfin il me demande de le pardonner pour toutes ces années où il n’a pas compris la difficulté que j’avais à vivre aux côtés de notre mère
Il me demande de le pardonne pour m’avoir traitée de folle
Enfin quelqu’un ouvre les yeux sur les persécutions incessantes que je vivais au quotidien durant mon adolescence
Sur toutes ces persécutions et ces tentatives de manipulation morales
Enfin…
Je me sens enfin normale, j’ai la sensation de trouver enfin ma place
Ma place dans quel schéma, je n’en sais rien, mais je trouve enfin une place
Même si dans l’inconscient familial, je deviendrai dès ce jour-là « la fille de ma mère »…

Et en novembre, mariage à l’église
Je ne veux déjà plus y aller, mais il est trop tard, administrativement nous sommes déjà liés
Et les frais sont engagés
Alors autant aller faire la fête
Mais j’y vais à reculons
Je sais déjà que je me suis bien leurrée
Mais je ne dis rien
Lui, Pascal, sait, il a déjà vécu en couple, moi pas, alors…
Entre temps, je passe un an dans un cabinet comptable, en alternance pour mon bac comptabilité
Et je réussis le concours d’entrée dans la police scientifique (une dictée et quelques tests psycho, pas de quoi fouetter un chat)
Alors le choix est vite fait : stabilité de l’emploi, je plaque la compta
Et je passe mon permis de conduire, obtenu du premier coup
« Moi aussi je l’ai eu du premier coup, c’est pas un exploit » me dira-t-il avec déconsidération, quand j’arrive fièrement avec mon papier rose
Mon permis de conduire, les prémices de Ma liberté

Un an de mariage, je m’ennuie, je suis triste, je suis incapable de dire vraiment pourquoi
Je ne sais pas comment le dire à mon mari
Mais ça doit sans doutes venir de moi
Je me fais certainement des idées…
Alors je pars rejoindre pour la soirée mon meilleur ami
Et là, l’irréparable
Besoin de tendresse (déjà…) et notre tendresse dérive et déborde
Je n’arrive pas à le cacher à Pascal, qui n’est déjà plus mon mari mais déjà seulement l’homme avec lequel je vis
Et je brise notre histoire, enfin le peu d’histoire que nous avons
Durant quatre ans, nous allons essayer de survivre à cette épreuve
Mais rien à faire
Nous allons même prendre un chien, qui sait ?
Elle s’appelle Rasta, une boxer croisée dogue argentin qui aura perdu sa maman à la naissance (tiens, elle aussi orpheline, elle comme moi, chacune à notre manière, inconscient quand tu nous parles et qu’on ne t’entend pas…)
Pascal attendra d’avoir quelqu’une dans sa vie pour me quitter, la veille de mes 26 ans
Quand je sera affaiblie, juste après ma sortie de l’hôpital (o il ne viendra pas me chercher), par une amygdalectomie avec complications (moins 10 kilos et cinq jours de perfusion, en rentrant à la maison impossible de manger plus d’un « petit pot » par jour, je ne cicatrise pas, c’est terriblement douloureux)

Et je commence à craquer, à faire peur, à Me faire peur
Un trou noir de trois jours
Une violence redoutable sors de moi
Je ne me rappelle de rien
Rien !
Et cette veille de 1er mai, ou la violence nous empare tous les deux
Des mots mais surtout des coups
Le lendemain, je prends quelques affaires et je pars, je m’échappe de cet enfer
Je vais chez Vincent que j’ai rencontré quelques jours plus tôt, par une collège de bureau, lui aussi flic, dans notre grande maison qu’est la police scientifique
Il m’accueille
Cela dure trois mois
Il est spirituellement sur les traces de ma mère
Il ne supporte pas aussi que ses amis Richard et Corinne et moi nous connaissions
Richard et mon futur-ex-mari ont fait du rugby ensemble durant trois ans, nous avons partagé quelques troisièmes mi-temps
Vincent est presque tyrannique
Ses amis et ses enfants me demandent comment je fais pour supporter tout ça
Toutes ces dévalorisations incessantes, sur tout, sur chaque chose, sur chacune de mes paroles, sur chacun de mes gestes
Là encore je sauve ma peau
Viviane quitte son mec et sa maison, qui est vide encore trois mois
Je m’y installe
Et de nouveau valises au bout de deux mois, la maison est re-louée
Alors je pars chez Marie, qui elle de son côté quitte aussi son compagnon
Nous nous trouvons toutes les deux, nous apprenons à vraiment nous connaître
Et nous redécouvrons nos libertés respectives
Que c’est bon !
Certes nous faisons un peu n’importe quoi mais que c’est agréable !

Et puis j’emménage enfin chez moi
Mon premier appartement rien qu’à moi
C’est petit, mais c’est chez moi !
Et là, je recommence enfin ma vie de femme
Nous sommes en hiver, début 2002
Et puis un jour, Ma famille s’agrandit
Shipee arrive
Du haut de ses quatre petites pattes
Elle passe sous les marches de l’escalier et tient dans la poche de mon manteau tellement elle est petite
Et trois mois plus tard, c’est au tour de Themis de nous rejoindre
Un joli chaton, elle est toute crème avec de grands yeux bleus
Si elle ne venait pas avec moi, elle partait à la SPA
Je ne pouvais pas la laisser
Et toutes les trois nous commençons à nous organiser notre petite vie
Jusqu’à ce que Thierry arrive
Passion, très courte pour lui, destructrice pour moi, complicité dans nos souffrances
Nous devenons très amis
Peut-être un peu trop parfois, c’est mieux que rien
Je continue ma vie
Je rencontre le monde magique du BB King, et son inspirateur Abdel
Ce lieu deviendra mon refuge lors de mes nuits d’errances et de doutes
Abdel sera mon Jiminy Cricket, mon autre œil, le projecteur de ce que je me refuserai à voir parfois
Son djambé, mon tambourin, nos moments d’évasion rien qu’à nous deux
Merci Abdel, merci à toi
Pour tes paroles, pour tes bras qui m’ont serrée plus d’une fois très fort
Pour toutes mes larmes que tu as séchées, toutes celles que je t’ai séchées aussi
On avait l’air malin tous les deux parfois à se pleurer dans les bras l’un de l’autre
Et à nous dire je t’aime devant tout le monde
Ils étaient tous persuadés que nous étions amants, toi le roi de cet endroit magique, et moi la merdeuse, la fliquette
Qu’on a pu rire de ça ! en jouer !
Mais non
Nous nous disions je t’aime parce que nous aimions la personne qu’était l’autre
Simplement
Sans ambiguïté
Sans désir de peaux
Juste de l’amour sincère et transparent
Une très belle amitié
Et merci pour tous ces prototypes, et la vodka-manzana-pomme (avec une pointe de compote quand c’est possible, sans oublier la glace pilée, tu vois j’ai retenu !)
Et merci de m’avoir accompagnée et soutenue lorsqu’au dernier retour furtif de mon père, tu m’as aidée à enfin accepter sans culpabiliser que je n’aimais pas l’homme qu’il est sous prétexte qu’il est mon père
J’ai accepté de ne pas aimer mon père, et j’ai arrêté d’en culpabiliser
Papa, je ne t’aime plus, c’est fini, et j’en ai le droit
Nous resterons toujours père et fille, c’est comme ça, c’est indéniable, on n’y peut rien
Mais plus de papa à sa puce, plus jamais
De quel droit les liens du sang nous obligent à aimer certains ou certaines qui nous blessent, les aimer plus que d’autres qui nous font tellement plus de bien mais avec lesquels nous ne sommes pas nés dans le même berceau ?
D’abord les lois du cœur
Juste les élans du cœur
Rien que les élans du cœur
Les lois du sang, c’est valable uniquement dans les centres de transfusions ou autres hôpitaux (A B ou O, positif ou négatif, l’un ne peut aimer l’autre, surtout pas !), nulle part ailleurs
Merci Abdel, merci de m’avoir tenu la main dans ce chemin
Une belle rencontre, une belle amitié, une belle histoire, même si la Vie nous a menés sur des chemins différents aujourd’hui
Je pense encore à toi parfois
Toutes les histoires sont éphémères
Amour, amitié, complicité, il faut vivre chaque moment de chaque histoire pleinement
Parce qu’il y aura forcément une fin un jour
Et Cathy dans la vie de laquelle je reviens
Souvent
Garance m’appelle Tata
Tata Zazouille
Je vais la regarder grandir avec émotion
Thierry m’aura fait tellement tourner et virer
Tellement de mal aussi
Il m’aura détruit le cœur
Il me l’aura piétiné, sacrifié sur l’autel de son égoïsme
Par peur de redonner sa confiance aussi
Et il me montrera que j’avais tort de lui donner la mienne
Il a eu mal avant, alors il fait souffrir la suivante
Et pas de chance, la suivante c’était moi…

Et je reprend pied, je me relève péniblement
Je passe presque toues mes soirées dehors, le Saint Louis, le Red Lion’s, Raph’, Fabien, Pascal, Céline, Stephenson, « Otra Vez », Mike, Michel, « Autour de minuit », José, Erick, « Up where we belong », Maxou et notre grand chelem, j’ai gagné, tu as lâché le jeu en route, et tous les autres, Halloween, le Noël des Grands, sans oublier Béa, et Stéphanie dix ans après…
Tous nomades quelque part…
Quelques nuits aussi au début
Puis de plus en plus
Dans des lits de hasard, en quête de tendresse
Cette tendresse qui me manque tant !
Cette tendresse qui me fait tellement mal par son absence !
Et ce besoin de reconnaissance aussi
A travers les homes
S’ils m’acceptent dans leur lit, c’est que je suis acceptable, au moins un peu
Je m’en fais mal
Je me brûle
Je m’autodétruis
Et je le sais
Mais j’attends qu’on vienne me chercher, qu’on vienne me sauver
Je ne peux plus arrêter ma chute
Je n’en ai pas la force
Le voudrais-je ?
Je ne crois pas
Alors tomber, ça reste toujours un mouvement
Pas le bon, mais au moins je ne reste pas sur place
Erick et tous les autres
Je ne les citerai pas, j’ai oublié le nom de certains
Et je ne tiens pas vraiment à me rappeler de quelques autres
Mais de jolis moments aussi
Ce concert de Cabrel en back stage à la bourse du travail
Cette découverte de Claude Nougaro, l’homme
Merci Erick, deux jolis cadeaux
Quentin, une bulle d’air frais
Mais rencontré trop tôt, au mauvais moment pour lui et pour moi
Dommage, on aurait pu vivre une longue histoire, même si elle était déjà belle malgré qu’elle fut si courte
A moins qu’elle n’ait été belle justement parce qu’elle était courte et que nous le savions
Et puis les autres
Une déchéance, lente mais certaine

Et je croise Alban
Il me tend la main et m’accepte comme je suis, avec mes casseroles
Je me dis pourquoi pas
Bien que je sente déjà que je vais vite étouffer
Une vie de vieux couple s’installe déjà, trop vite, au bout de seulement quelques jours, guère plus
Mais je refuse de voir
Et puis le bébé arrive
Explosion de joie
Je peux donner la Vie !
Mais tellement peur
Peur de construire quelque chose avec un homme que je n’aime pas
Peur de faire souffrir un enfant d’une erreur que je peux encore éviter
Et toutes ces interrogations qui tournent sans cesse dans mon esprit
Alors non, je ne veux pas de cette vie-là
Pas comme ça
Deviens un Ange mon bébé
Envole-toi
Et comprends-moi un jour
C’est parce que je t’aime déjà tellement que je prends cette décision
Mon bébé
Mon enfant
Cette Vie au creux de moi
Ta Vie au creux de moi, Ta Maman
Pars vivre à travers les étoiles, et brille
Brille plus fort qu’elles toutes réunies
Annie était à mes côtés ce jour-là
Je ne peux plus assumer mon travail depuis quelques temps déjà
Alors comment y retournée alors que pour tout le monde je suis encore enceinte ?
Et le jugement
Cathy, un jugement sans appel
Plutôt un transfert de sa propre expérience qu’elle n’a pas supporté
Transfert qu’elle ne s’avouera jamais
Je ne verrai plus Garance
Mais peut-être qu’un jour j’aurai l’occasion de lui parler et de lui expliquer pourquoi sa tata Zazouille n’est plue venue la voir du jour au lendemain
Et ce sentiment d’abandon
Ce sentiment aussi que je ne réussirai jamais rien
Cette fatigue, cette immense fatigue
Non, pas de la fatigue
De l’épuisement
Je pars quelques temps en clinique pour essayer de me reposer et surtout faire le point
Mais au bout d’une semaine, le vase déborde, en tombe et se brise en mille morceaux sur le sol
Ma vie est trop lourde à traîner
J’en peux plus
Lâchez-moi tous autant que vous êtes !
Vivre – mourir – vivre – mourir…
Plouf plouf am stram gram…
Mourir ça dure moins longtemps et je suis pressée
Alors mourir
Cap’ ou pas cap’ ?
Cap’ !
J’avale tout ce que je peux trouver, tout ce que j’avais amené de chez moi, toutes ces pilules miraculeuses qui font dormir
Connerie ! elles ne font pas dormir du tout ou pas suffisamment longtemps, pas suffisamment profondément, pas comme j’aurais voulu
Urgences à Jules Courmont
Deux ou trois jours de réa, je ne sais plus, peut-être moins
Personne n’est venu me voir, j’en ai eu confirmation par les infirmières
Ça fait du bien de se sentir aimée dans ces moments-là…
Et une hyperthyroïdie diagnostiquée
Des taux de T3 et T4 libres et de TSH défiant toute concurrence
Trois autres jours en endocrinologie
Annie et Jean-Jacques sont là, juste à mon arrivée dans ce nouveau service, et après, toujours, toujours là
« Madame, vous êtes bien malade, votre état est gravissime et alarmant. »
Ouai, cause toujours !
Si vous m’aviez laissée m’endormir et rejoindre mon Ange comme je le voulais, mon cas ne serait plus grave du tout
Et réglé
Ta faute toubib’ !
Fallait pas me sortir de mon sommeil
Fallait laisser mon cœur s’éteindre doucement et mon âme partir dans les étoiles
Fallait me laisser rejoindre mon enfant, me laisser être maman à ma façon
Là c’est vous qui avez été cons les Docs !
Et je sors de l’hôpital
Non sans mal, mais s’ils ne me laissent pas sortir je signe une décharge ou je m’échappe

Je rentre chez moi
Ou ce qui ressemble à chez moi
Bon, il y a mon nom sur la boîte aux lettres
Donc ça doit bien être chez moi
Shipee est en chenil depuis plus de deux semaines
Elle ne me manque même pas spécialement
Mais je vais la récupérer quand même
Elle était bien chez Marie
Mais elle sentait bien que quelque chose n’allait pas
On est branchée l’une à l’autre
On ne peut rien y faire
Vous connaissez l’empathie ? non ?
Regardez-nous, nous en sommes l’exemple vivant
Je ne suis toujours pas capable d’assumer mon boulot
Tous ces congels remplis de bouts de mort, je ne peux plus
Et rien que d’y penser, je revois ce squelette de bébé qui n’aura eu comme sépulture qu’un vulgaire container de déchets biologiques
J’ai honte, honte d’être un Homo Sapiens Sapiens
Je préférerais être un Homo Sapiens tout court
Parce que savoir qu’on sait, vu ce que l’Homme en fait de son Savoir, excusez-moi mais je ne suis pas vraiment fan du concept
Je continue à me lever chaque matin
Pour rien au début
Pour quoi ensuite ?
Et puis à la fin juste pour Shipee
Ranger ? pour quoi faire ?
Le ménage ? vous plaisantez ?
Allez, Shipee, je te renvois chez Marie
Je ne sais pas combien de temps mais je ne peux plus, louloute, vraiment plus
Pardonne-moi, mon chien, pardonne-moi
Et l’envie de mourir qui ne m’a pas quittée
Qui me hante chaque jour, chaque nuit, chaque minute
Je n’ai toujours pas commencé à me soigner pour ma thyroïde, ça m’est égal
Crever de ça ou d’autre chose, au moins ça sera fait
Et une nuit je n’en peux plus
Je fais peur
Je choque
Mais Raph’, Pascal et Jean me rattrapent au vol
Ainsi que Annie et Jean-Jacques, et Hélène
J’ai l’impression qu’on me juge à défaut d’essayer de me comprendre
Le suicide fait si peur, que personne n’ose en parler ouvertement
Mais pourtant ça existe, mesdames, messieurs
Si, si ! je vous jure !
Ce n’est pas sale ! c’est juste triste
Et surtout ça replace ceux qui restent face à leurs responsabilités, face à leurs incompréhensions, face à tout ce qu’ils n’ont pu voir ou tout ce qu’ils s’escrimaient bien à ne pas voir
Face à eux-même peut-être parfois aussi…
Shipee rentre à la maison
Annie et Jean-Jacques sont très présents

Et Mamie qui nous quitte, le jour de l’été
Le jour de la fête de la musique
Elle qui aimait tant aller à sa chorale
Le jour des adieux, Stéphane m’a dit bonjour
Mais vraiment du bout des lèvres, même pas du bout du cœur
Quant à sa femme, Edyta, bonjour elle n’a pas su dire
Sa politesse et sa bonne éducation lui ont arraché la bouche
Aucun contact, aucune embrassade réconfortante de personne envers personne
Aucun membre de la famille ne s’est pris dans les bras, même entre époux
Rien
Ou en tous cas je n’ai pas vu les gestes de tendresse
Si, Maïa, ma nièce, 5 ans, la fille de Stéphane
Elle m’a prise par la main sur le chemin du crématorium, derrière le cercueil
Elle m’a dit « Mamie elle a fait dire à l’église qu’il fallait pas pleurer si on l’aimait, alors Isabelle faut pas que tu pleures… pourquoi tu pleures quand même ? »
Elle n’avait que 5 ans, elle a écouté… et elle a entendu…
Et de l’hypocrisie, ça aussi j’en ai vu !
Je vous assure !
Et des regards de travers à mon encontre…
Par peur de ce que j’avais pu vouloir faire sans doutes
Ouaip…
La vie continue
Annie et Jean-Jacques sont toujours là

Et je pars retrouver Joël
Dis ans que nous ne nous sommes pas vus mon frère et moi
Toujours à cause de ces histoires de famille, qui ne guériront jamais
On s’observe
On parle un peu
Je fais la connaissance de Dylan et Léo, mes neveux de 8 et 3 ans, de leur maman Lydie
Leur grande sœur Alyson est chez son père, mais s’est fait une grande joie de me prêter sa chambre, merci bichette !
Je rentre au bout de trois jours
Trois jours éreintants émotionnellement
Sans compter les six heures de route à chaque trajet
Et j’appelle maman et Alain son mari, je préfère tomber sur Alain
Ouf ! c’est lui qui répond…
Que c’est dur d’appuyer sur l’interphone
Nous déjeunons, en pleurant pour maman et moi, et avec beaucoup d’émotion dans la voix pour Alain
Ils perçoivent bien cet appel au secours que je leur lance malgré moi, dans un profond silence
Je leur raconte mes derniers mois
Vite, trouver un endocrinologue rapidement, en urgence !
Et l’hospitalisation, en urgence aussi
« Je ne sais pas si je vais pouvoir vous sortir de là, madame. Je vais faire tout mon possible. J’espère.. » me dira le professeur qui prend mon dossier en charge
Je sors et je m’installe chez Alain et maman
Ce n’est que bien plus tard que je parlerai d’eux en disant mes parents, bien plus tard
Ils vident mon appartement
Je ne peux plus y rester
Trop de mauvais souvenirs, trop de tristesse, et quelques drames aussi
On apprend à se connaître doucement
On essaie de se parler
C’est difficile entre maman et moi
Il y a tellement de douleurs qui seront tues encore pour très longtemps
Sans doutes ne seront-elles jamais évoquées
Je fais semblant
J’ai besoin d’eux
J’ai besoin de retrouver ma mère
Mais ma maman de quand j’étais petite, toute petite, celle qui me manque, je sens bien, je sais si bien que je ne la retrouverai jamais
Deux mois chez eux et je pars en co-location
Je monte le projet et je le concrétise
Colocataires, appartement, j’ai tout fait
J’ai finalisé un projet, le premier depuis si longtemps
Je suis capable d’arriver au bout de quelque chose
Enfin !
Et la cortisone qui me déforme depuis deux mois
J’ai peur de mon reflet dans le miroir
Je n’ose plus me regarder
Je ne vois qu’un monstre
Je me reconstruis doucement
Pour Shipee d’abord
Elle n’a rien demandé, elle n’a pas demandé à vivre tout ça la pauvre
Quel poids sur ses petites pattes !
Quel courage elle aussi !
Et tout l’amour qu’elle me donne ! par ses grands yeux noirs, qu’ils sont bavards ses yeux !
Et puis pour moi
Après tout, tant qu’à faire, autant que je le fasse pour moi
Et ce premier noël avec Joël et Lydie
Et les enfants, Alyson, Dylan et Léo
Cette année ce ne sera pas avec le reste de la famille puisqu’il y a Stéphane
Et que ses mots résonnent encore comme un couperet
« Je n’ai pas pris de tes nouvelles pour protéger ma famille de tes pseudo tentatives de suicide »
Ok, j’encaisse, ça fait mal, mais je respecte
Mais ne me demandez pas de venir faire semblant cette année, on verra plus tard
Alors direction le Limousin
Avec Alain et maman
Maman insupportable durant quatre jours
Mais on ne dit surtout rien
Sinon elle entre dans un processus de dévalorisation encore plus insupportable
On supporte, on se supporte, tous
Joël et Lydie, Alain, maman, moi
Je ne crois pas que les enfants s’aperçoivent de quoi que ce soit
Tout ça, ce sont des histoires de grandes personnes
Laissons-les découvrir leurs cadeaux avec toute leur innocence

Et la vie reprend son cours
Thierry qui déprime, j’essaie de l’aider
Il use toute mon énergie
J’arrête, je dis stop, je me protège et surtout ce n’est pas mon rôle
Mais en le voyant je réalise la chance que j’ai de trouver la force de me battre chaque jour
Sans tout attendre des autres
Je réalise la force de mon indépendance
Encore une bataille gagnée Isa !
Et début avril, de nouveau mon destin qui frappe à la porte
J’emménage dans Mon appart’
Rien que Shipee et moi
Toutes les deux
Et encore une nouvelle bataille gagnée, les effets de la cortisone sont tous partis, il n’en reste qu’une infime trace encore, presque rien, à peine quelques kilos
Et puis Phil, Franck
D’autres batailles, d’autres victoires, j’ai réussi à plaire à d’autres hommes
Enfin !

Et puis Patrick
Patrick à qui ces pages sont en partie dédiées
Des pages de souffrances et de doutes
Mais des pages d’espoir aussi, enfin un peu
Enfin je crois… j’espère…
Patrick, par tes douleurs, tu m’as donné l’envie et surtout le besoin d’écrire les miennes… Mon Histoire… merci

Et puis ces pages sont aussi pour Yaël, ma filleule
Jolie Yaël, peut-être liras-tu ces lignes, quand tu seras bien plus grande
Juste pour que tu saches pourquoi ta marraine est qui elle est
Je t’aime jolie petite fille, très fort
Ta marraine
IsabelleC.
Ce dimanche 20 août 2006

samedi 19 août 2006

J'ai envie d'écrire


"Je voulais écrire...
J'ai envie d'écrire, mais je ne sais pas quoi..."
Claude Nougaro "La note bleue" 2004
album posthume
Écrire
Ce besoin d'écrire me revient
ce besoin d'aligner des lettres pour en faire des mots
des mots pour en faire des phrases
pour en sortir de moi des chagrins, des épreuves
des mots pour mes maux
des idées qui me dérangent, qui me blessent
qui me font peur
ma façon à moi de me rassurer
de trouver un peu de réconfort
comme si je m'adressais à...
à qui ? à toi ?
à vous ?
comme si vous m'écoutiez
comme si parfois vous m'enveloppiez de vos bras
de votre tendresse, de votre douceur, de votre énergie aussi
pour me sentir moins seule peut-être
plus forte sûrement
ou le contraire
plus forte peut-être
moins seule sûrement
écrire aussi pour aller puiser toutes ces larmes qui restent au fond de mon cœur
tout au fond de mon âme
et qui stagnent
et qui pourrissent
et qui empestent l'odeur nauséabonde de mes peines et de mes noirceurs
alors les écoper, les évacuer
toutes
une à une
IsabelleC.
samedi 19 août 2006